Théâtre
-
Un paradoxe étonnant caractérise les débuts du théâtre français : alors même que la Bible constitue l’une, sinon la principale, source du théâtre sérieux aux XVIe et XVIIe siècles, rares sont les dramaturges bibliques qui sont parvenus à s’assurer quelques lignes dans les manuels de littérature (La Taille, Garnier, Montchrestien, Du Ryer et Racine). L’explication de ce décalage a été donnée depuis longtemps : tragédie et Bible ne seraient tout simplement pas compatibles en raison d’une différence théologique incontournable, la première se fondant sur la confrontation entre l’homme et un destin incompréhensible, la seconde reposant sur une alliance nouée entre la créature et le Créateur, Dieu de justice et de miséricorde.
Prenant résolument le parti de la Littérature et non celui de l’Histoire, de l’interprétation dramaturgique des textes et non de leur contextualisation, le présent ouvrage se propose de redécouvrir cet ensemble disparate de fragments oubliés de l’histoire théâtrale, à la recherche d’une tragédie véritablement biblique et des preuves qu’une rencontre, sous une forme ou sous une autre, a bien eu lieu dans l’atelier de travail de certains dramaturges, démentant ainsi toute prétendue incompatibilité entre Bible et tragédie.
-
Le théâtre du Palais-Royal des années 1660 ancre dans la mémoire collective des figures archétypales et des pratiques promises à une prodigieuse renommée. Domenico Biancolelli, le plus célèbre des Arlequin, ou Tiberio Fiorilli, le talentueux Scaramouche, se produisent sur ses planches tandis que Molière, parangon des auteurs classiques, y crée des chefs-d’œuvre qui attirent la Ville et la Cour. Dans ce lieu unique, le spectacle est littéralement inouï : les comédiens jouent en français ou en italien des pièces mêlées de musique, ils se spécialisent dans le jeu des pleurs ou dans celui des rires, ils expérimentent une diction nouvelle, ils chantent. Dans une perspective pluridisciplinaire, inspirée de l’histoire des sensibilités, cet ouvrage étudie l’acoustique de la salle du Palais-Royal, les sons de la scène et la voix du public afin de reconstituer l’éphémère et fugitive ambiance sonore d’une séance théâtrale de la seconde moitié du XVIIe siècle. Il montre comment le texte théâtral programme son écoute, il explore la rhétorique mobilisée par les spectateurs pour rendre compte de leur expérience auditive et exhume des jeux de scène insoupçonnés. De l’oubli surgissent alors des voix que l’on croyait à jamais éteintes.
-
Aux XVIe-XVIIe siècles, la chevalerie, la noblesse, enfin l’homme et la femme modernes s’asservirent volontairement au pouvoir de l’État. Pour comprendre cette « servitude volontaire », cet ouvrage étudie des traités de cour et de l’honnêteté, c’est-à-dire des ouvrages qui, soit dénoncent le pouvoir tyrannique du monarque et la cupidité des courtisans ; soit exaltent la toute-puissance du roi et les plaisirs de la cour.
Dans le second cas, celui des réjouissances, le courtisan doit d’abord faire preuve d’allégeance, sans répit faire montre de complaisances, puis espérer qu’en retour, un jour, il obtiendra quelque récompense. Il lira les traités, il apprendra comment marcher, comment parler, comment surtout se contenir, afin d’avoir l’insigne privilège d’approcher, peut-être, du trône.
Ce livre est aussi une étude de la tragédie classique, du grand Corneille, de l’inégalable Racine qui, dans une langue sublime, à l’avance ont voulu nous consoler, par la beauté, des peines et de l’inquiétude d’être sujets.
-
TABLE DES MATIÈRES
Avant-Propos
Par Emmanuelle Hénin
Note de l’auteur
PREMIÈRE PARTIE
ARTS PROFANES
Introduction à la première partie
Par Pouneh Mochiri et Lise Wajeman
1. Anecdotes et théorie subreptice de l’art
Donner à ne pas voir
La laideur de Giotto
Un récit « petit et difforme »
La symétrie faussée
Une théorie subreptice de la peinture
L’or feint.
Les paradoxes de l’or dans la théorie de la peinture
L’art vaut de l’or : théories de la valeur marchande
Souci mercantile et spéculation humaniste
L’exclusion de l’or
Éclat de l’or et manière du peintre
Éclat de l’or et perturbation du nouvel ordre pictural
2. Natures mortes et vanités : Chardin, Damien Hirst
Le regard dédoublé
La transpiration de la couleur
La sublimation du dégoût
In vanitate veritas
La raie, telle qu’en elle-même la peinture se change
La cuisine en tous ses états
La chair de la couleur
L’envers du sexe
La danse de mort
Le regard du chat
L’oeil de Méduse
L’écriture Chardin
L’apprentissage de la cécité
Entre dégoût et plaisir : le bénéfice de la contradiction
Entre chien et chat : des yeux pour ne point voir
Le travail de la méconnaissance
Fenêtre aveugle : Les Bulles de savon de Chardin
Damien Hirst et la vanité de la peinture
Une vanité provocatrice
Le chef d’oeuvre absolu : l’art de battre tous les records
Sotheby’s, 2008 : Bulla speculativa
L’idée la plus chère de l’histoire de l’art
La Wallace Collection, 2009-2010 : vanité de la peinture
Post-Scriptum
P.‑P.-S.
DEUXIÈME PARTIE
THÉOLOGIE DES IMAGES ET EXÉGÈSE
Introduction à la deuxième partie
Par Guillaume Navaud
1. Théologie des images
Le plaisir des images, entre théorie profane et théorie sacrée : de l’ambivalence à la sacralisation
Entre séduction et effroi : l’ambivalence envers le plaisir pictural
Les trois voies de la réhabilitation
Le plaisir comme processus translatif
Une « sacralisation » du plaisir
Peintre rusé et pape obtus : les dessous d’une anecdote
sur le plaisir des images, chez Vasari et Ottonelli
Généalogie de l’anecdote
Les bizarreries de la version vasarienne
Les dessous de l’affaire
La version d’Ottonelli et Pietro da Cortona
Les dessous d’une contradiction
Le regard détourné. L’aveuglement à l’image, en théologie et en peinture, au xvie siècle
Des yeux pour ne point voir. L’idolâtrie dans la théologie des images au xvie siècle
Entre mutisme et logorrhée, crime et aberration, objet et culte : les fluctuations de l’idolâtrie
Translatio et signe
Les trois faces de l’imbécillité : l’idiota, l’infirmus et le stolidus
Théorie sacrée et théorie profane
Technique efficace et effet séducteur
De la Relique à l’Image. Le Saint Suaire dans la théologie des images
La fonction totémique : de la relique au symbole
La prise du pouvoir par le suaire : la triade acheiropoïète
Les fluctuations de la matière
La Passion de l’Image
Un sang incombustible
L’image invisible
L’au-delà de la peinture
Le voile de Parrhasius
2. Exégèse et interprétation
L’énigme invisible : quelques remarques sur l’énigme en peinture, à propos d’une Annonciation de Piero della Francesca
L’énigme écran : le double portrait de l’École de Fontainebleau
L’énigme en suspens : l’Annonciation de Piero
Les quatre temps du déchiffrement
Une côte en trop
Le double excès de l’interprétation
Pli selon pli : le déploiement de l’explicatio
L’économie du ressassement
Le superflu et le nécessaire
L’excégèse : l’inflation de la côte et le débordement du commentaire
« Signifying nothing ». Macbeth et le refus de l’interprétation
Refus, absence et manque : trois interprétations de l’insignifiance
Les deux couches de sens
Le premier contexte : un rien aux couleurs du deuil
Le deuxième contexte : l’ombre de la somnambule
L’arrêt des signes
Le troisième contexte : la prophétie mortelle
Le dernier contexte : rien n’existe que le néant
TROISIÈME PARTIE
ART DE LA SCÈNE
Introduction à la troisième partie
Par Zoé Schweitzer et Enrica Zanin
1. Théâtre et vision
Vision de loin, vision de près : les enjeux d’un paradigme pictural dans Le Véritable Saint Genest
La littéralité de l’illusion
Les deux faces de la vérité
La question de la distance : deux manières de peindre
Dramaturgie de l’accommodation et tragique de la cécité
Réécriture racinienne du crime et réécriture d’un crime racinien : Andromaque et ses adaptations anglaises
Un crime qui n’en finit pas de se réécrire
Réécrire Racine
Le meurtre en scène
Beaumarchais et la dramaturgie de l’hallucination
Les origines d’une scène d’hallucination
Une scène à effet
Hallucination et dynamique des passions
Une théorie latente de l’hallucination
Un théâtre de la faute : hallucination et culpabilité
La jouissance subreptice : hallucination et désir
2. La scène et l’obscène
Médée, la volupté dun geste lent
Au-delà de l’infanticide, la volupté
Façons sénéquiennes de tuer un enfant
La purgation des passions sexuelles
L’« abominable jouissance » : Sénèque avec Sade
Jeux avec la censure : Molière et la stratégie de l’obs¨ne (À propos de Tartuffe, IV, 5)
Un néologisme, « le plus joli du monde »
Préhistoire de l’obscène : des images au théâtre
La double face de l’obscénité
Trois positions possibles : polémique, prophylaxie, provocation
L’École des Fmmes : retournement de l’équivoque et effet de contamination
Une scène à (ne pas) faire
L’inversion des codes sexuels
Le cocuage à l’envers
La titillation voyeuriste : jusqu’où aller trop loin ?
Une audace plus insidieuse : la distribution des rôles
La provocation ultime : l’obscénité cathartique
La guerre des syllabes : l’érotisation de la langue au xviie siècle
Le « congrès », du juridique à l’obscène
Châtrer les syllabes immodestes
Manipulations théâtrales des « syllabes sales »
La syllabe la plus infâme
Provenance des textes
Bibliographie des publications de François Lecercle
Index nominum
Liste des figures
-
Le Théâtre au miroir des langues consiste à explorer les grandes notions théâtrales au moyen d’une étude lexicologique portant sur trois aires géolinguistiques : la France, l’Espagne et l’Italie des XVIe et XVIIe siècles. Divisé en huit chapitres (Genres théâtraux, Paratextes, Dramaturgie, Personnages, Notions esthétiques, Métiers et techniques, Lieu théâtral, Réception), l’ouvrage propose une étude comparative des composantes essentielles du théâtre à partir de leurs modes de désignation dans les trois langues. Prenant appui sur un vaste corpus de pièces, de préfaces et de traités, ces analyses permettent tout autant d’identifier les correspondances et les pratiques communes d’un pays à l’autre que de mettre au jour les spécificités nationales. Cet ouvrage a été conçu dans le cadre du projet ANR « IdT - Les idées du théâtre ».
-
L’éclatante beauté des vers raciniens a exercé une telle fascination sur les critiques, qu’ils ont longtemps négligé cette part de non-dit qu’elle laissait tapie dans l’ombre. La dramaturgie racinienne tire pourtant toute sa force du silence logé en son cœur. Qu’il résulte d’un calcul délibéré ou d’une impuissance à dire, le silence relève aussi bien des ambitions politiques, des codes de civilité, des bienséances théâtrales que des pratiques religieuses. Il représente ainsi la trahison d’une intention que les personnages cherchent à percer et qui maintient en suspens l’intérêt du spectateur. Cette étude se propose de montrer que les tragédies raciniennes s’articulent toutes autour de la profération d’un insupportable aveu. Longtemps caché, retenu, étouffé, il a des effets dévastateurs une fois qu’il est prononcé. En faisant du contrepoint entre silence et déclaration le fondement de sa dramaturgie, Racine sape le bel édifice de la poétique aristotélicienne et impose sa nouvelle vision du tragique. Ce n’est plus la parole qui gouverne l’avancée de l’action, mais les silences qui, loin de la suspendre, la ravivent et la compliquent. Nul besoin de pythie ou de dieux tout-puissants pour condamner l’homme, qui reste libre de se confesser ou de se taire.
-
-
Table des matières
Anne CAYUELA, Marc VUILLERMOZ
Avant-propos
Chapitre premier – L’auteur dramatique
Sandrine BLONDET
De la sueur, du temps et des armes. Les Mots du travail dramatique
Philippe MEUNIER
Du texte au paratexte : histoire de quelques métaphores animales du poète et de ses plagiaires
Emmanuelle HENIN
La métaphore picturale dans le paratexte théâtral : l’exemple de Scudéry
Marine SOUCHIER
De « l’excellent poète » au « rimailleur » : enquête sur la charge axiologique des diverses dénominations de l’auteur dramatique
Juan Carlos GARROT
La perspective du poète : lecture et représentation dans les préliminaires caldéroniens
Chapitre II – Esthétique et dramaturgie
Enrica ZANIN
Les choses du théâtre dans les premiers dictionnaires italiens,français et espagnols
Fausta ANTONUCCI
Escena, cena, paso : las particiones internas al acto o jornada en textos teatrales y teóricos del Siglo de Oro
Marc DOUGUET
L’horreur du vide. Analyse terminologique de la notion de « liaison des scènes » dans la théorie dramatique française
Chapitre III – Les genres dramatiques
Christophe COUDERC
Paratexte et taxinomie. Sur quelques désignations génériques du théâtre espagnol
Coline PIOT
« Farce » ou « petite comédie » ? Les enjeux du processus d’identification d’un nouveau genre (1660-1670)
Emmanuele DE LUCA
Lazzo : enjeux poétiques et esthétiques d’un intraduisible italien au XVIIe siècle français
Chapitre IV – L’acteur et le personnage
Véronique LOCHERT, Bénédicte LOUVAT
Jouer, réciter, déclamer : les mots du jeu en France, en Espagne et en Italie
Teresa JAROSZEWSKA
Un capitan italien en costume espagnol sur la scène française. Les dénominations de soldats fanfarons aux XVIe et XVIIe siècles
Chapitre V – Réception
Céline FOURNIAL
Lope de Vega à la lettre : la réception de l’Arte nuevo de hacer comedias en France
Patrizia De CAPITANI
Le langage figuré dans les prologues des comédies italiennes et françaises du XVIe siècle : un enjeu de réception
Hélène TROPÉ
Les mots et les choses du rire dans les théâtres français et espagnols des XVIe et XVIIe siècles
Stéphane MIGLIERINA
Rire et suavité, entre traités religieux et textes liminaires théâtraux
Index des noms
Index des pièces
-
Table des matières
Introduction
PREMIÈRE PARTIE. PENSÉES THÉORIQUES ET NON THÉORIQUES
Chapitre premier. La négociation des traités avec les formes modernes
Florence d’Artois
Qu’est-ce qu’une « tragédie éthique » ? Ambiguïté de lèthos dans les poétiques néo-aristotéliciennes italiennes et espagnoles
Enrica Zanin
La tragédie à fin heureuse ou comment une forme aristotélicienne est rejetée par les néo-aristotéliciens (Italie, France, Espagne)
Chapitre II. La pensé des discours non savants
François Lecercle
La tragédie est une comédie qui s’ignore : brouillages et partages dans la polémique théâtrale, en France, dans la première moitié du XVIIe siècle
Lise Michel
Objets et pratiques des commentaires non savants sur la tragédie (France, 1660-1670)
DEUXIÈME PARTIE. TRADUCTIONS ET IMITATIONS : LA RÉÉCRITURE, CREUSET DE PROPOSITIONS
Chapitre III. Expérimentations savantes
Marie Saint Martin
La tragédie avant la tragédie : Les premières traductions du théâtre grec en langue vernaculaire
Line Cottegnies
Une pièce romaine pour quoi faire ? Antonius de Mary Sidney Herbert (1592) ou le closet drama en question
Chapitre IV. Revivifier le spectacle tragique, entre douceur et violence
Danielle Boillet
La tragédie à Bologne dans le sillage de Circé : La « Medea essule » (1602) de M. Zoppio
Zoé Schweitzer
Du dénouement spectaculaire comme critère
TROISIÈME PARTIE. HYBRIDATION ET REDÉPLOIEMENTS. DISSOLUTION OU PENSÉE DES FRONTIÈRES GÉNÉRIQUES ?
Chapitre V. Usage des topoï épiques : transitions et expérimentations
Jean Canavaggio
La Numancia de Cervantès, de comedia à tragedia
Fausta Antonucci
Le siège d’une ville comme sujet dramatique dans les premières années de la Comedia Nueva et son lien à la tragédie
Tiphaine Karsenti
Les scènes de bataille dans la tragédie française au tournant des XVIe et XVIIe siècles
Chapitre VI. La rénovation de la tragédie par l’absorption des genres mixtes
Fabien Cavaill©
La tragédie aux champs : emprunts pastoraux et pensée des frontières génériques dans les tragédies d’amour françaises (1600-1635)
Alban Déléris
Quand la tragédie dégénère : l’« effet monstre » dans les théâtres français et anglas au tournant des XVIe et XVIIe siècles
Bénédicte Louvat-Molozay
Deux moments de refondation du genre tragique en France : la tragédie des années 1630 et la tragédie en musique des années 1670
Françoise Decroisette
Retour à l’horreur tragique dans les tragedie per musicade Girolamo Frigimelica Roberti (1653-1732)
Chapitre VII. L’intégration des effets comiques : distanciation, parodie ou réactivation de l’efficacité tragique ?
Juan Carlos Garrot Zambrana
Los malcasados de Valencia ou la tragédie et la farce déjouées
Stéphane Miglierina
Les tragédies d’un comico : théâtre sérieux et comédie du pouvoir chez Niccolò Biancolelli
Marcella Trambaioli
Farce à la manière d’une tragédie : nouvelles réflexions sur la fªte théâtrale courtisane dans l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles par rapport au théâtre tragique
QUATRIÈME PARTIE. LE THÉÂTRE SÉRIEUX À L’ÉPREUVE DE SES DEHORS : CONFRONTATIONS À LA CULTURE DE LA PREMIÈRE MODERNITÉ
Chapitre VIII. Laporosité aux discours non dramatiques (discours, philosophie, histoire et morale)
Enrica Zanin
« Il dialogo all’altezza della tragedia » : proximité entre dialogue et tragédie (Italie, France 1550-1630)
Guillaume Navaud
Le chaud et le froid. Tragédie, histoire et philosophie dans l’Angleterre de la Renaissance
Christine Sukic
« Stages too / Have a respect due to them » : The Revengeof Bussy D’Ambois (1613), une tragédie à la marge
Chapitre IX. L’accommodation du théâtre sérieux à la culture post-tridentine
Bruna Filippi
La tragédie chrétienne jésuite en Italie entre édification spirituelle et morale (XVIIe siècle)
Cécile Berger
Les choix esthétiques de Giovan Battista Andreini dans L’Adamo(1613), sacra rappresentazione à l’image d’une conception divine du monde
Isabel Ibáñez
De l’incompatibilité entre hagiographie et tragédie :La Ninfa del Cielo de Tirso de Molina
Yves Germain
La part du Démon, une possible inflexion tragique au sein de l’auto sacramental caldéronien ?
Barbara Selmeci Castioni
Heurs et leurres de la tragi-comédie chrétienne. Les deux Josaphat de Magnon et D.L.T
Chapitre X. Livrer un regard sur le monde contemporain
Anne Wagniart
La tragédie protestante allemande des XVIe-XVIIe siècles
Anne Teulade
Une tragédie d’actualité est-elle possible ? Parler aux émotions et aux croyances des spectateurs
Bibliographie
Index
Les auteurs
La renaissance de la tragédie s’accompagne, aux XVIe et XVIIe siècles en Europe, de l’éclosion de formes dramatiques qui se situent à ses marges, sans pour autant être marginales. La tragédie occupe alors une position à la fois centrale et décentrée au sein d’un ensemble mobile et plus vaste, que l’on peut qualifier de théâtre sérieux. Il fallait penser cette place et modéliser les relations dynamiques et complexes entre la tragédie et ces autres formes. Cet ouvrage revisite également les usages de ce théâtre, interrogeant par exemple la place dévolue au théâtre didactique, les types d’émotions engagés par les fictions à sujet grave, la mobilisation éventuelle d’un décryptage allégorique et la possibilité de parler de « drame » épique. Enfin, il s’intéresse à la manière dont les poètes accommodent les différentes formes de théâtre sérieux aux enjeux d’un monde nouveau, prenant acte d’un changement de paradigme culturel : comment un théâtre érudit ou commercial, dans tous les cas non liturgique, peut-il prendre en charge les récits religieux, biblique ou hagiographique ? Qu’en est-il de la représentation de l’histoire nationale, notamment dans les puissantes monarchies qui sont en train de se constituer, en Espagne, en France et en Angleterre ? Dans quelle mesure le retour au premier plan de formes héritées de l’Antiquité s’accompagne-t-il de ces préoccupations idéologiques nouvelles ?
-
Au tournant des XIIe-XIIIe siècles, le Jeu d’Adam inaugure l’histoire du théâtre français par la mise en scène des origines de l’histoire humaine : création, tentation et chute d’Adam et d’Eve, meurtre d’Abel. Mais, comme ces siècles ne regardent le péché qu’à travers le pardon, la succession des Prophètes du Christ fait entendre le message de l’espérance. Une édition critique – au sens philologique du terme – de l'unique copie de ce chef d’œuvre à la fois difficile et essentiel, malmené par les aléas d'une tradition complexe, s'imposait. S'appuyant sur une enquête codicologique, paléographique, linguistique, liturgique affranchie des idées en vogue et porteuse de nouveaux questionnements, toujours attentive à maintenir la distinction entre original et copie, elle replace aussi l’œuvre dans son environnement social et liturgique : le Jeu d’Adam s’inscrit dans la tradition du théâtre latin, qu'il subvertit en adoptant le français pour des dialogues dune force et d’une finesse dramatiques sans précédent. La traduction en français moderne s'efforce de les rendre au plus près.